Le sol, une vie en soi

Le sol, une vie en soi
15 Avr 2015

Le sol, une matière à étudier en arboriculture

Lorsque l’on parle de la biosphère, nous avons généralement en tête deux idées : le règne animal et le règne végétal. Pour ce qui est du sol et de son importance, on lui accorde généralement le statut d’un support pour la vie végétale, qui est à son tour un support pour la vie animale, mais nous considérons rarement l’importance de la vie elle-même à l’intérieur de ce sol, ou du sol lui-même comme forme de vie. La question peut sembler sans importance. Pourtant, l’ignorance que nous avons du règne microbien et fongique est à la source de beaucoup d’erreurs dans nos méthodes de fertilisation et de remédiation des arbres. Ce genre d’erreur est commis autant en agriculture qu’en paysagement et même en arboriculture. Ignorant l’importance du sol, les consommateurs demanderont souvent aux élagueurs de faire des tailles d’arbres en cherchant à leur redonner plus de force, mais en vain.

Par exemple, en cas de parasite fongique, on utilise des fongicides. Résultat : le parasite est éliminé, mais les réseaux de multiples champignons bénéfiques sont tués également. Qu’est-ce que cela peut bien faire? Beaucoup! Les dernières recherches scientifiques sur la vie des racines et de la rhizosphère ont démontré que les champignons symbiotiques sont plus responsables du fonctionnement de la nutrition des plantes que les racines elles-mêmes! Donc, en utilisant des produits chimiques qui tue les microbes ou les champignons ou encore qui contaminent les sols, nous réglons nos problèmes à court terme seulement, mais cela en plus d’appauvrir le sol et de rendre nos végétaux vulnérables.

Le sol comme organisme

Une comparaison, farfelue et pourtant adéquate, peut être faite avec la flore intestinale des animaux. Il est drôle de remarquer que l’intérêt pour les bactéries probiotiques arrive en même temps qu’émergent les dernières découvertes sur l’importance de la vie microbienne souterraine, mais cela est un autre sujet. Bref, nous savons aujourd’hui que toutes les bactéries ne sont pas mauvaises pour notre santé, et même que certaines sont essentielles pour notre vie. Ainsi, un usage abusif d’antibiotiques peut affaiblir le système immunitaire d’une personne, puisque les bonnes bactéries peuvent mourir de même que les mauvaises. Or, les bonnes sont essentielles pour combattre les mauvaises, ainsi que pour le bon fonctionnement de la digestion en générale. Il en va de la même manière pour la flore du sol. Là où sont les racines se trouve une compétition entre bons et mauvais champignons, bonnes et mauvaises bactéries, etc. C’est pourquoi les interventions des compagnies d’émondage doivent prendre en considération la survie de la bonne partie de la flore et ne pas la tuer accidentellement par des traitements peu réfléchis.

Ainsi, le sol est une forme de vie, il est une sorte d’organisme vivant. Il respire, il boit, il mange et il digère. Son système respiratoire est primordialement composé de verres de terre. Le sol a besoin de libérer du CO2 et d’absorber de l’oxygène. Or, en l’absence de l’activité biologique opérée par verres de terre, le sol ne pourrait pas libérer de CO2, et alors il ne se créerait pas d’espace pour permettre à l’oxygène de pénétrer. Sans cette opération naturelle le sol s’asphyxie.

La même analogie peut être employée pour ce qui est de l’eau et des nutriments. Le sol boit, mange et digère ce qu’on lui donne : feuilles, fruits, cadavres, etc. La digestion se fait par l’activité des êtres vivants qui y demeurent. Les insectes s’occupent des parties les plus grosses et les découpent en morceaux. Les vers jouent leur rôle en prenant les résidus laissés par les insectes en les emmenant plus profonds dans le sol. Ensuite arrivent les microorganismes comme les champignons et bactéries. Ceux-ci décomposent les macromolécules en molécules plus petites et en minéraux. La digestion terminée, les éléments décomposés se dissolvent dans le sol. Le sol est donc, pour les arbres et végétaux, comme les intestins chez les animaux!

Le sol est aussi, pour les plantes, une sorte de système sanguin. L’eau qui y circule permet de transporter les nutriments solides vers les racines. Puis, les filaments des champignons bénéfiques (dont nous parlerons largement dans de prochains articles) transfèrent, ces nutriments aux racines, dans un échange « donnant-donnant », puisque les champignons mycorhiziens reçoivent de la part des plantes des sucres photosynthétisés qui leur sont essentiels. Comme nous le disions plus haut, certains traitements peuvent anéantir les champignons, et les conséquences de cette perte sont sans précédent.

De nouvelles solutions

En prenant conscience de ces processus naturels, nous pouvons comprendre que certains sols nécessitent toujours plus de fertilisants chimiques. En effet, n’ayant plus de flore naturelle pour permettre au sol de régénérer ses richesses et d’être capable de nourrir les plantes, nous sommes pris dans le cercle vicieux du travail artificiel. Pourtant, les nouvelles méthodes en développement durable et écologique arrivent à leur fin par une approche minimaliste qui permet de profiter de, mais aussi pour favoriser, le travail naturel qui se fait dans le sol.

Et il ne s’agit pas seulement des traitements chimiques. Notre conception moderne de propreté, avec sa tendance à la phobie des microbes, nous influence à tout vouloir nettoyer et épurer. Par exemple, le fait de jeter les résidus de gazon tondu ou les feuilles mortes constituent des aberrations typiques de notre temps. Il est plus facile, et combien plus bénéfique, de tondre le gazon, et même les feuilles mortes, sans sac. De cette façon, l’accumulation de matière organique permet au sol de se régénérer. On imite ainsi le fonctionnement naturel du règne végétal depuis des millions d’années. En effet, le cycle de nutrition en forêt est une rotation : le sol donne ses nutriments aux plantes, celles-ci laissent tomber leurs feuilles mortes qui deviendront de l’humus, principal agent nutritif du sol pour les plantes depuis toujours.

Avec les développements récents des technologies visant à remédier à la santé du sol (plutôt que de travailler à sa place), nous avons maintenant à notre disposition de nombreuses solutions écoresponsables et durables pour la santé de nos plantes et de nos arbres. Certains experts peuvent vous conseiller dans le compagnonnage végétal, qui consiste à organiser nos végétaux de sorte qu’ils s’entraident. Certains végétaux repoussent les ravageurs, d’autres attirent les pollinisateurs. Certains encore ont des racines plus profondes et peuvent contribuer aux plantes dont les racines sont plus superficielles si elles sont plantées à proximité. Les experts en émondage peuvent souvent vous référer à des partenaires en paysagement comestible, il ne faut que demander.

Une autre solution peu coûteuse et simple est le paillis. En effet le paillis produit par les élagueurs est utilisable pour ses bienfaits arboricoles. Il s’agit d’une autre façon d’imiter le processus naturel de décomposition du sol et de nutrition des plantes. Contactez votre arboriculteur pour lui demander la quantité de bois raméal fragmenté dont vous avez besoin et ceux-ci le vendront généralement à prix modique.

La toute dernière découverte en horticulture est l’importance des champignons mycorhiziens dont nous avons parlé plus haut. Ceux-ci se vendent en pépinière ou encore par l’entremise des compagnies d’émondage. Bien que vous pouvez en faire l’amendement vous-mêmes, certains arboriculteurs en offrent le service. Pensez à le demander lors de votre prochaine taille d’arbre pour obtenir un forfait. Les bienfaits des mycorhizes sont tels que la majorité des plantes et arbres ne peuvent vivre en leur absence. Or en milieux urbains, leurs nombres peuvent être faibles dans nos sols mal en point, c’est pourquoi une application peut être de mise. En valorisant ainsi les procédés naturels, nous assurons une continuité de la vie du sol, une humidité optimale, et ainsi une condition de vie idéale pour toutes nos plantes et tous nos arbres.

Sources :
The amazing underground secret to a better garden: enjoy healthier soil and superior harvests by nurturing the symbiotic relationship between plant roots and mycorrhizal fungi, par douglas H. Chadwick.
Christophe Drénou. 2006. Les racines : face cachée des arbres. Paris: Institut pour le développement forestier.

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Dominic Perugino

Comments

  1. […] notre écologie. Partout où les arbres se font rares, l’érable à Giguère vient labourer le sol pour le préparer à une renaissance […]

  2. […] Un robinier sera heureux en plein soleil, avec une terre bien drainée et pas trop humide. Il présente une bonne résilience relativement aux compactages qui peuvent avoir lieu suite à des travaux. De même, le sel de déglaçage n’a pas tendance à trop lui nuire, on peut donc le planter en façade sans problème. L’enracinement est superficiel, donc aucune inquiétude pour les structures souterraines. Il est facile à planter. Fait intéressant : par son appartenance à la famille des fabacées, le robinier tombe dans la catégorie des légumineuses. Ainsi, la légumineuse est reconnue pour sa fixation de l’azote de l’air dans la terre, ce qui peut avantager le reste des végétaux dans le jardin. Il devient donc un candidat de choix pour le compagnonnage végétal. L’application de mycorhize dans le sol pourrait par la suite assurer une redistribution « équitable » de cet azote dans le reste de la rhizosphère environnante. […]

  3. […] peut s’accommoder au plein soleil ou à l’ombre, peu lui importe. Une bonne humidité pour le sol, ainsi qu’un lieu où il sera à l’abri du sel de déglaçage et du compactage seront toutefois […]

  4. […] le planter à un endroit où le nivellement du sol nous tient à cœur. La plantation est facile et le choix de sol varie de riche à pauvre, de sec à humide. Il doit être planté en plein […]

  5. […] exemple, l’automne arrive, on racle les feuilles et on les jette à la poubelle. À la longue, notre sol s’appauvrit et notre pelouse perd de la vigueur, et alors on va s’acheter de l’engrais et du […]

  6. […] la motte. Pourtant, le chêne à gros fruit s’adapte à un large éventail de sols. Il préfère les sols creux et bien drainés et moyennement humides, mais il s’adapte très bien à une terre d’argile. Il […]

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