Une approche écosystémique


06 Mai 2015

Le développement durable est une approche dont le nom appelle un paradoxe. Durable? Comment se fait-il que nos exploitations naturelles ont besoin d’un courant alternatif pour combler le manque de vision vers le futur? Paradoxal : lorsqu’on dénonce la coupe à blanc dans nos forêts, cette dénonciation est faite par ceux qui sont perçus comme des hippies hors du temps avec l’idée folle qu’il faut absolument prévoir pour l’avenir. Les agents du développement durable sont cette conscience indésirable qui se fait entendre, comme lors de l’achat d’un téléviseur haute définition alors que le prix dépasse notre budget. On préfère vivre au jour le jour, remplacer le budget par une marge de crédit et laisser le divertissement nouvellement acquis nous faire oublier les intérêts qui désormais s’accumulent à nos autres achats spontanés.

Il s’agit pourtant d’une approche qui étudie des données bien réelles. Loin d’être le fruit de méditations transcendantales de quelques illuminés, le développement durable est une approche qui cherche le développement d’alternatives aux méthodes d’exploitations agricoles conventionnelles. Et, loin de ce que l’on peut penser, il ne s’agit pas de ralentir la production de nourriture et d’énergie, mais plutôt trouver de meilleures façons de le faire, enfin, des façons qui vont permettre aux générations futures de pourvoir à leurs besoins également.

Les critères de durabilité

Le développement durable est originalement un questionnement sur la capacité de produire de la nourriture à perpétuité. Plutôt que de chercher la prochaine invention humaine qui assurera ce but, la méthode consiste à étudier la capacité des écosystèmes à se renouveler naturellement. Les recherches sont faites pour promouvoir l’application de la connaissance des procédés écologiques naturels dans les écosystèmes à toutes formes de production agricole. L’application appropriée de ces connaissances peut permettre l’utilisation et la conversion de ces procédés naturels à notre profit et à celui de l’équilibre écologique.

Pour qu’une exploitation de la nature soit qualifiée comme durable, plusieurs critères doivent être comblés. Une ferme, par exemple, ne devrait avoir qu’un impact négatif minimal sur l’environnement et ne rien rejeter de toxique. Le sol devrait être préservé et reconstruit en ce qui a trait à sa fertilité et à sa santé écologique. Plutôt que d’engendrer l’érosion du sol, un système durable devrait la prévenir. Puis, une agriculture durable devrait se fier aux ressources internes de son écosystème, c’est-à-dire en remplaçant l’inoculant externe par le cycle naturel des nutriments. On doit également chercher à valoriser et à conserver la diversité biologique, tant sur le plan sauvage que pour l’aménagement domestique.

Ces critères sont facilement transférables dans notre quotidien. Nous ne sommes pas tous fermiers, mais la majorité des propriétaires d’une maison font un minimum d’aménagement paysager, et parfois même, du jardinage. Ne pas utiliser d’éléments chimiques, cela devient un acquis de plus en plus accessible grâce à la sensibilisation et à la réglementation municipale. Pourtant, nous agissons encore bien souvent comme si notre petit lopin de terre était extra-terrestre. Par exemple, l’automne arrive, on racle les feuilles et on les jette à la poubelle. À la longue, notre sol s’appauvrit et notre pelouse perd de la vigueur, et alors on va s’acheter de l’engrais et du fertilisant. On ne réalise pas l’absurdité de ce comportement. Or, en développement durable, ce sont les procédés naturels des écosystèmes qui sont nos enseignants. Comme en forêt ce sont les feuilles qui nourrissent le sol, pourquoi cela devrait-il en être autrement en ville? La méthode durable, dans notre cas, est l’herbicyclage : il suffit de passer la tondeuse pour déchiqueter les feuilles et faciliter la décomposition. Le résultat est une méthode de travail plus facile ainsi qu’une diminution des traitements artificiels.

Ainsi, le développement durable cherche à réaligner notre exploitation de la nature avec la nature elle-même. Nos milieux urbains, nos quartiers ou même nos milieux agricoles, bien qu’ils ne soient plus les mêmes systèmes écologiques qu’ils étaient autrefois, sont des écosystèmes en soi. Un écosystème est un système fonctionnel de relations complémentaires entre des organismes vivants et leur environnement. Selon cette définition, une ville, un quartier, une forêt ou même un jardin peuvent tous être observés comme, ou rapportés à un écosystème. Pour donner une ligne directrice à notre gestion de la nature, on tente de comprendre le fonctionnement de l’écosystème dans lequel nous nous trouvons. On étudie les facteurs biotiques, qui sont essentiellement les organismes vivants interagissant avec la nature, et les facteurs abiotiques, qui sont les éléments non vivants, physiques et chimiques, comme la terre, la lumière, l’humidité et la température.

Les niveaux d’organisation

Pour comprendre les écosystèmes et pour modifier nos pratiques en conséquence, il faut déterminer les niveaux d’organisation. On peut classer les écosystèmes dans une hiérarchie d’organisation de leurs parties composantes. Au niveau le plus simple est l’organisme. Puis, se trouvant légèrement plus élevé en degré d’organisation, se trouve ce que l’on nomme la population. Ensuite, le plus haut degré est celui de communauté. Ainsi, en nous limitant au niveau d’organisme et de population, nous tombons dans les absurdités de notre siècle, par l’utilisation des pesticides et des fertilisants chimiques. Nous trouvons un organisme ou une population menaçante, nous l’éliminons par nos moyens. L’alternative durable se trouve dans une compréhension du niveau plus élevé d’organisation qu’est la communauté.

Dans toutes les communautés formées par une population d’organismes vivants se trouvent des espèces avec des besoins particuliers en nutrition. Ces besoins forment des interactions complexes entre les espèces et forment une structure équilibrée de relations nutritionnelles. Il s’agit de ce que les experts appellent la structure trophique. Un exemple de problème de structure trophique est la monoculture. Celle-ci provoque une hypertrophie chez certaines espèces, et, alors, on est pris avec une population inquiétante d’espèces se nourrissant d’une culture particulière. Le recours est souvent celui d’insecticides, mais la solution alternative passe par la biodiversité et la polyculture.

En effet, les végétaux sont à la base de toutes les structures trophiques, car ce sont celles-ci qui forment la biomasse à partir de l’énergie stockée de la photosynthèse. Étant à la base des structures trophiques, les plantes ont le rôle de producteurs. Elles sont des autotrophes, car elles ne mangent pas d’autres espèces pour survivre. Au-dessus de cette base alimentaire se trouvent les consommateurs, comme les herbivores, les prédateurs et les parasites. La compréhension des interactions trophiques entre producteurs et consommateurs est essentielle pour trouver des solutions efficaces et durables à des problèmes comme l’agrile du frêne. C’est d’ailleurs en exploitant la connaissance des relations trophiques que fut introduite la guêpe chinoise dans notre écosystème. Le but est d’insérer un prédateur naturel qui pourra ramener l’équilibre contre l’agrile. Pourtant, il demeure devant ce ravageur le problème de l’hypertrophie. En effet, lorsque des parcs et des rues ont le frêne pour seule essence d’arbre, il n’y a rien qui puisse ralentir l’agrile dans sa progression.

Considérant la rigueur des recherches en développement durable, on ne peut rejeter du revers de la main les connaissances qui s’offrent à nous. Un développement durable est un développement qui cherche à se conformer à l’ordre déjà présent dans la création. Nous ne sommes pas des êtres qui transcendent la nature, nous sommes des êtres qui font partie de la nature tout en étant aptes à la modifier. Nous pouvons exploiter la nature de sorte à ruiner l’équilibre de l’écosystème, ou nous pouvons restaurer l’écosystème pour en profiter pleinement. L’intendance de la création est une gestion intelligente des ressources naturelles, ayant pour mandat l’embellissement de la planète et le partage des ressources pour les générations futures. Tout bon intendant s’assure de la viabilité et de la durabilité de ses décisions. Point à la ligne.

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Dominic Perugino

Comments

  1. […] le dernier article concernant l’approche écosystémique en développement durable, nous avons démontré comment la compréhension des structures trophiques (c’est-à-dire les […]

  2. […] bien-être physique et mental, ils procurent repos et intimité, ils sont essentiels à l’écosystème urbain, ils augmentent la qualité de l’air, mais aussi, augmente la valeur des propriétés. Il est […]

  3. […] Ses fruits, sans avoir la douceur reconnue au chêne à gros fruits, sont comestibles, mais amers. Les glands sont d’environ 12 mm de diamètre, contenant de minuscules graines, et mûrissent tous les deux ans. Comme il s’agit d’un arbre indigène, l’intérêt du fruit de chêne des marais concerne la faune. Fournissant de la nourriture pour les écureuils et les oiseaux (les fleurs attirent aussi les papillons), cet arbre est un choix « écosensible » qui saura améliorer l’état de la faune urbaine. […]

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