Les pandémies et la polyarboriculture


14 Mai 2020

Sommaire

  • La monoarboriculture encourage la propagation d’insectes nuisibles.
  • Une polyarboriculture permettrait une certaine distanciation entre les espèces.
  • Une monoarboriculture ne permet pas de résilience en cas de ravage.
  • Une polyarboriculture permet de ralentir la perte des arbres en cas de ravage.
  • Une polyarboriculture peut encourager à prendre le temps de bien agencer les arbres dans les aménagements paysagers.

Comme tout le monde, je suis chez moi en confinement, respectant les règles pour combattre la pandémie. Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle entre la COVID-19 (le coronavirus) et les maladies ravageuses comme l’agrile du frêne. Ce qui ressort, c’est le principe de distanciation sociale, et ce principe s’applique presque à la lettre à la polyarboriculture, qui serait la meilleure solution pour prévenir la propagation des prochaines maladies des arbres. On n’a qu’à observer le principe de contagion. Une personne asymptomatique, mais contagieuse, vaque à ses occupations normalement, et ce sont des dizaines et des dizaines de personnes qui peuvent être contaminées. Malheureusement, c’est seulement lorsque la pandémie est bien installée que nous réagissons, et après il faut limiter les dégâts.

L’arboriculture et les pandémies

En arboriculture, il y a aussi des vagues de pandémies bien sévères, et nous réalisons après coup que nos aménagements paysagers étaient conçus de sorte que les maladies se répandent rapidement. Comme un virus, l’agrile du frêne se répand depuis des années en détruisant tous nos frênes. Si la région de Montréal contient encore quelques frênes en santé, c’est grâce au traitement au TreeAzin ; mais pour combien de temps pourrons-nous soutenir ces traitements ?

Le fait est que, trop souvent, nous optons pour une seule essence dans une région donnée. Par exemple, on choisit une seule essence pour une rue complète et on plante tous les arbres en même temps. Ainsi, avec une rue montréalaise peuplée de chaque côté par des frênes, on ne peut se surprendre de voir que l’insecte y voyage en toute aisance. La monoculture arboricole est en effet désavantageuse sur plus d’un plan. D’abord, c’est la vitesse de propagation des maladies qui est augmentée, parce qu’il n’y a aucun tampon d’autres essences entre les frênes pour faire obstacle à l’insecte ; et ceci ne s’applique pas seulement pour les frênes. Par la suite, ce sont les pertes qui sont totales et instantanées. Autrement dit, pour une rue ou un parc qui est aménagé avec une proportion de 100 % de frênes, ce sont 100 % des arbres qui seront perdus d’un seul coup. Cette approche n’offre aucune résilience. Le traitement au TreeAzin sert alors principalement à ralentir la perte des arbres.

Les pandémies et la polyarboriculture à Montréal

Les pandémies et la polyarboriculture à Montréal

Distanciation « sociale » de nos arbres

Mais appliquons le principe de distanciation « sociale » à nos arbres, et faisons-le en planifiant, comme si nous étions certains que, tôt ou tard, une pandémie allait sévir sur au moins une espèce. Non pas d’espacer les plantations d’arbres, mais de distancer les arbres d’essence identique, en variant les essences entre chaque plantation et en misant sur le plus grand nombre possible d’essences, indigènes de préférence (mais pas exclusivement). Par exemple, disons que nous avons la charge de planter une vingtaine d’arbres dans un parc nouvellement décimé par l’agrile du frêne. Pour répondre à une telle demande, il serait traditionnel de trouver un arbre « thématique » en choisissant celui-ci pour ses propriétés de résistance à la pollution et pour le côté esthétique. Mentionnons ici que l’uniformité créée par une essence unique dans un parc ou une rue peut effectivement apporter un côté très esthétique, nous ne contestons pas cela. Mais en choisissant une seule essence, c’est comme si nous avions la conviction qu’aucune autre maladie ne pourrait éventuellement sévir, comme si nous n’avions pas appris la leçon…

En revanche, pour une plantation d’une vingtaine d’arbres dans un parc, la tâche n’est pas difficile pour trouver vingt arbres différents à planter ! Quelques variétés d’érables, quelques variétés de chênes, un tilleul, un bouleau, un hêtre, un orme, un catalpa, un micocoulier, alouette ! Maintenant, imaginez qu’un nouvel insecte attaque principalement une variété d’érables et que toutes les rues et tous les parcs ont été aménagés de façon à ce que le plus grand nombre d’essences différentes possible soient plantées entre deux arbres de la même espèce (un concours entre villes pour le plus grand nombre d’essences, tiens !). Qu’arrive-t-il ? Premièrement, il est possible de regarder la situation avec calme, car nous savons que l’insecte, ou peu importe la sorte de maladie, ne pourra pas se répandre bien vite puisqu’il doit « chercher » sa nourriture. En effet, pendant qu’il dévore son arbre, l’insecte ne détecte pas immédiatement un arbre de même essence à proximité (parfois, sur une rue, ce sont les branches des frênes qui se touchent ; une véritable autoroute à agrile). Il y a donc l’élément du temps qui est de notre côté. On tend des pièges, on calcule la progression de l’insecte, on fait des tests, et on sait que ce n’est pas l’an prochain que nous aurons perdu tous nos arbres donc, aucune panique. Par la suite, le pire scénario envisageable est que les parcs et les rues ne perdront qu’une petite proportion de leurs arbres. Si un arbre sur 25 est une des variétés d’érables vulnérables, alors on perd 1 arbre sur 25. Et cette proportion peut être diminuée encore plus si nous arrivons à utiliser toute la biodiversité qui nous est disponible.

La polyarboriculture est un investissement à long-terme et favorise la créativité

La polyarboriculture est donc la voie à prendre pour le futur, le présent, dis-je, puisque des parcs et des rues entières sont présentement en train de se faire abattre 100 % de leurs arbres, puisque ceux-ci étaient à 100 % des frênes. Ces arbres auront à être remplacés, mais seront-ils remplacés avec une pensée magique qui croit que l’agrile du frêne est une petite anomalie qui ne se reproduira pas ? Avons-nous déjà oublié la maladie hollandaise de l’orme ? Quel est l’effort de plus à déployer pour varier nos essences ? Certes, l’esthétique des monocultures arboricoles est simple et bien faite, mais avec une polyarboriculture, il serait possible d’agencer les formes, les grandeurs et les couleurs automnales. Tous les avantages y sont. En poussant encore plus loin, on peut étudier les structures tropiques des différentes régions et utiliser les arbres qui seront les plus bénéfiques pour la faune. Un parc a besoin de 25 arbres, on peut en planter 24 essences indigènes qui, par leur organisation, imitent les structures forestières locales, et une essence exotique, comme vedette du parc ; comme un ginkgo, par exemple. Il s’agit d’un modèle qui favorise la créativité et qui ne nécessite pas forcément plus d’investissement.

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Dominic Perugino

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