L’érable à Giguère

Érable à Giguère
19 Août 2021

Acer negundo

En tant qu’arbre mal aimé des résidents en zone urbaine, l’érable à Giguère mérite toutefois un article qui puisse en relever ses qualités. S’il est vrai que, d’un côté ornemental, il s’agit d’un arbre à valeur assez faible, il détient des vertus qui en font un arbre essentiel pour l’écologie urbaine. En effet, son adaptabilité, sa rapidité de croissance et ses modes de reproductions en font un arbre qui assure une résilience de la flore, là où celle-ci est perturbée par l’action industrielle ou par les intempéries naturelles.

Un arbre méprisé, mais fondateur

Un des premiers éléments à noter concernant l’érable à Giguère est sa rapidité de croissance. On peut aisément observer les nouvelles pousses de rameaux, d’une couleur verte et d’une texture qui fait penser au bambou, de plus d’un mètre de longueur, et ce, chaque année jusqu’à maturité. Cette vitesse de croissance est à la fois un trait qui peut en rendre la plantation bien intéressante pour qui a besoin d’un arbre le plus vite possible, mais il est aussi un gage de sa vitalité et de son endurance. Au terme de sa croissance, il devrait mesurer environ 15 à 20 mètres de hauteur et 14 mètres de largeur.

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Nouvelles pousses d’un érable à Giguère

Ceux qui ont vécu l’expérience d’avoir à se débarrasser de cet arbre vivace le comparent à une mauvaise herbe. Certes, pour le botaniste, une mauvaise herbe n’existe pas, seul le jardinier a le droit d’appeler « mauvais » ce qui ne convient pas à ses plans esthétiques ou qui contrevient à ses projections de travail dans son jardin. Ce qui est communément appelé « mauvaise herbe » reçoit généralement cette appellation en vertu de sa propagation rapide et de sa résistance à l’élimination. Pour l’érable à Giguère, cela est attribuable à son endurance ainsi qu’à ses modes de reproductions. Il est capable de se reproduire à partir d’une souche après l’abattage, c’est-à-dire que ses rejets qui apparaissent à même la souche l’année d’après ne sont pas comparables à un dernier souffle pour l’arbre. Ces rejets sont en fait le début d’un nouvel arbre, on parle donc d’un mode de reproduction à partir de la mort ! L’érable à Giguère est également en mesure de se reproduire à partir de drageons racinaires, moyen par lequel une pousse d’arbre sortira simplement du sol à partir d’une racine appartenant à un arbre hôte. Par la suite, il est capable de se reproduire comme tout autre arbre, à partir de sa semence. Si un voisin possède un de ces érables sur son terrain, il est fort probable que vous allez voir des pousses sur le vôtre.

Pour ce qui est de son aspect esthétique, certains diraient qu’il laisse à désirer, mais nous voudrions tout de même vendre l’arbre pour ses vertus avant d’en décourager la plantation. Il s’agit d’un arbre avec une extrême résilience à toutes les intempéries et la pollution. Ceci, joint à sa vitesse de croissance et sa capacité de reproduction, en fait un arbre parfait de reforestation pour les sols perturbés, parfait aussi pour stabiliser les sols aux risques de glissements, comme les bandes riveraines. L’érable à Giguère fait un écran parfait pour l’intimité ou pour couper le vent. Il est souvent le premier venu dans une forêt rasée, soit par l’homme, soit par la nature, c’est ce qui en fait un arbre fondateur pour notre écologie. Partout où les arbres se font rares, l’érable à Giguère vient labourer le sol pour le préparer à une renaissance forestière.

Le port de l’érable à Giguère est peu remarquable. Avec un tronc souvent penché et tordu, comme s’il cherchait le soleil dans une course à obstacles, il n’exprime rien de raffiné. Son feuillage et ses branches sont désorganisés, échevelés. Chaque partie du tronc exposée au soleil est susceptible de produire des gourmands. Son écorce est d’un brun grisâtre, marquée de sillons et d’excroissances dures et parfois torsadées, sans lesquelles on peut la confondre pour celle du frêne. Il donne parfois l’impression d’être victime de déformations à la base du tronc, surtout à maturité. Pour ceux qui ont l’occasion d’en observer l’abattage, on remarque que le cœur est rouge comme du sang.

La feuille peut surprendre celui qui tente de reconnaître un érable typique. Il s’agit du seul érable en Amérique du Nord qui porte des feuilles composées en folioles. Celles-ci, comme pour l’écorce, peuvent être confondues avec les feuilles du frêne. On arrive, en revanche, à les distinguer par leurs dents grossières sur les folioles, ainsi que par l’irrégularité de chacune ; toutes sont différentes.

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Feuilles de l’érable à Giguère

Les fruits et la faune

En tant qu’arbre indigène de l’Amérique du Nord, l’érable à Giguère contribue à la vie des insectes, des oiseaux et des mammifères. Ces derniers pourront profiter des samares comme nourriture principale pendant l’hiver, alors qu’elles persistent pendant la saison froide. Les fleurs, sans pétales, sont à peine remarquables.

Conditions optimales

L’érable à Giguère est très accommodant. Au soleil, ou à la mi-ombre, il saura trouver la lumière en se dirigeant vers celle-ci. Il tolère tout type de pollution, y compris le sel de déglaçage. Comme mentionné plus haut, il s’agit du premier venu dans les sols perturbés, car son avantage est de pouvoir s’adapter à tous les sols. Sa plus grande force est donc ce qui en fait aussi un arbre frustrant pour ceux qui n’en veulent pas ; il peut pousser n’importe où ! On suggère de le laisser se reproduire librement le long des bandes riveraines ou d’en faire des coupe-vents.

Élagage et entretien de l’érable à Giguère

Avec sa vitesse de croissance, la solidité de son bois est compromise. Il s’agit en effet d’un arbre aux branches cassantes. Vents et verglas défigurent bien souvent sa cime. On suggère donc de le planter loin des structures, comme les fils électriques ou la maison, pour le laisser pousser librement et sans risques. Autrement, il est possible d’en faire l’élagage pour minimiser les risques de cassures près des structures importantes. Les interventions seront plus nombreuses en raison de sa vitalité. L’érable à Giguère est capable de subir des tailles plus sévères que la majorité des arbres. Ceci ne devrait pas toutefois vous faire sauter sur l’occasion de rabattre ou d’enlever la moitié de la masse foliaire de votre érable à Giguère. « Capable d’endurer » ne veut pas dire que c’est optimal. Ayant déjà un aspect plus que rustique, une taille trop sévère peut gâcher son port ainsi que sa biomécanique. Une intervention arboricole qui ne respecterait pas les 20% prescrits pourrait pousser l’arbre à rejeter de nombreux gourmands ainsi que des drageons racinaires par réflexe de survie.

Maladies

Aucune maladie n’est particulièrement à mentionner pour l’érable à Giguère. Il est généralement capable d’endurer plus longtemps un champignon comme le chancre. Par contre, il faut s’attendre à ce qu’il soit la proie de nombreux insectes.

Bibliographie

  • Bertrand, Dumont. Guide des arbres, arbustes et conifères pour le Québec. Broquet, 2005.
  • Farrar, John Laird. Les arbres du Canada. Les Editions Fides, 1996.
  • (forester.), Michael D. Williams. Guide D’identification des Arbres du Québec et de L’est de L’Amérique du Nord. Broquet, Incorporated, 2008.
  • Hodgson, Larry. Arbres. Saint-Constant, Qc: Broquet, 2012.
  • Langlais, Guy. La taille des arbres ornementaux. Saint-Constant, Qc: Broquet, 2002.
  • Marie-Fleurette, Beaudoin, Gaudet Martin, Rocray Pierre-Émile, et Michel Labrecque. Les arbres de Montréal. Fides, 1997.
  • Pellerin, Gervais, et Hydro-Québec. Répertoire des Arbres et Arbustes Ornementaux: 1760 Espèces et Variétés de Végétaux du Québec. Gouvernement du Quebec, publications vendues, 2010.
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Dominic Perugino

Comments

  1. […] faut qu’il soit sans obstruction sur une distance équivalente à sa hauteur. Prenons en exemple un érable de 20 mètres de haut avec un tronc de 50 centimètres de large. Il est situé dans une énorme […]

  2. […] brune, légèrement écaillée, ainsi que la forme irrégulière de ses troncs font penser à l’érable à Giguère. Les feuilles sont ovales et mesurent de cinq à dix centimètres de longueur. À l’été, elles […]

  3. Clech Carole : mai 4, 2022 at 3:07 am

    Bonjour,

    j’ai un Acer Negundo à 2 mètres 2.5 mètres de la maison qui s’est planté tout seul, je pense que l’ancien propriétaire à voulu le couper, car plein de branches partent du sol… les branches montent à environ 6 mètres pour certaines. Ce qui m’embête c’est qu’il est très proche de la maison qui est en pierre et que j’ai peur que les racines fassent des dégâts sur le long terme. je dois l’élaguer car il touche les files du poteau électrique juste à coté, ce qui n’est pas un problème pour moi. j’ai juste peur qu’il crée des dommages sur la chaussée car il est en bord de route et sur ma maison… Quand pensez vous ?

    • Dominic Perugino : mai 5, 2022 at 4:38 pm

      Dans le doute, un pare-racine pourrait prévenir les problèmes. On creuse une tranchée et on met une toile delta ms, question de limiter le développement des racines. Mais si votre fondation est bien faite, il n’y a pas d’inquétude à avoir.

  4. Denis Trépanier : mai 21, 2023 at 9:38 pm

    Bonjour, je vis dans une COOP d’habitation du quartier La Petite-Patrie à Montréal et je suis membre du comité environnement. L’année dernière nous avons fait couper et déraciner plusieurs Érables à Giguère. Je me suis soulevé contre cette décision, c’est quand même un arbre indigène ! L’argument principal des autres membres du comité est que : les racines vont défoncer les solages de nos immeubles ? Que penser de cet argument ?

    Merci,

    Denis Trépanier
    trepanier.dens@gmail.com

    • Dominic Perugino : mai 25, 2023 at 5:11 pm

      Les racines des arbres ne peuvent pas plus défoncer une fondation qu’une plante son pot. Ce n’est pas un bon argument. Faites venir un arboriste expert pour évaluer la situation, c’est le mieux que vous puissiez faire.

  5. Votre article m’a aidée à mieux apprécier les érables à Giguère. Les samares pour les oiseaux en hiver et son utilité comme coupe-vent. Fort intéressant.

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