Quatre ans de combat contre l’agrile du frêne

Quatre ans de combat contre l’agrile du frêne
29 Juil 2015

L’agrile du frêne, introduit à Montréal en 2011, continue son progrès dans les régions du sud du Québec. Les municipalités se penchent sur les solutions les plus efficaces et les moins coûteuses pour régler le problème, mais y a-t-il de l’espoir? Certains considèrent le combat comme perdu d’avance. D’autres, plus optimistes, comptent sur des recherches pour au moins ralentir l’envahisseur et ainsi le rendre contrôlable. Déjà, Montréal aura coupé, par remédiation ou par prévention, environ 1200 arbres en 2014 seulement. Pour Laval, on n’en compte pas moins de 800. Les arbres les plus importants sont traités avec le TreeAzin, alors que les propriétaires d’arbres du domaine privé se trouvent avec la responsabilité de faire le traitement ou non. L’arrondissement de Saint-Laurent offre 40 à 50 % de rabais pour les traitements au TreeAzin afin d’encourager les citoyens à conserver leurs arbres.

Pour notre quatrième année de combat contre l’agrile du frêne qui commence en 2015, quel est le bilan? Nous savons que le seul pesticide à avoir été scientifiquement prouvé comme efficace est le TreeAzin, mais existe-t-il d’autres solutions? Sommes-nous condamnés à perdre tous nos frênes au Québec et au Canada? Seul l’avenir pourra véritablement le confirmer. Savoir s’il y a de l’espoir est d’autant plus difficile du fait que chaque municipalité garde la responsabilité de la protection de ses arbres et que chaque ville procède de manière différente.

Progression de l’agrile du frêne à Laval et à proximité de Montréal

L’agrile fait son entrée à Montréal en 2011. C’est un élagueur qui aperçoit en premier la présence du ravageur et qui en informe les autorités. Le Québec se mobilise en plaçant des pièges dans différentes régions pour surveiller les déplacements de l’insecte. Le 20 août 2012, le ravageur émeraude est capturé à Laval dans un piège installé par l’ACIA, dans le cartier de Laval-des-Rapides. Longueuil et la MRC de Papineau signaleront également des infestations cette même année. En 2013, l’ACIA perçoit cette progression et élargit ses zones réglementées pour empêcher le transport des produits de frêne d’une région à une autre. En effet, si l’insecte ne se propage que très lentement par lui-même, il peut prendre beaucoup d’expansion par l’entremise de voyagements humains. Ensuite, l’infestation se rend au Mont-Saint-Hilaire, à Granby, à Boisbriand, à Terrebonne et d’autres villes.

Comme l’agrile du frêne fait la même progression en Ontario, l’ACIA consolide en 2014 les zones réglementées de cette province avec celles du Québec. Ainsi seront véritablement freinés les transports artificiels de l’insecte. Bien qu’il soit au ralenti en 2014, l’insecte est finalement détecté à Notre-Dame-du-Lac.

La lutte arboricole de Laval

La municipalité de Laval fait son possible pour limiter la propagation de l’agrile du frêne. Pour prévenir efficacement, il faut viser les lieux d’infestation avec précision et tuer l’insecte là où il se trouve. Ainsi, la ville de Laval identifie des foyers d’infestations pour abattre, dans les 300 mètres à la ronde, les frênes infestés et ceux qui sont à risque de favoriser la propagation. À ce jour, six sites ont été identifiés. Il s’agit de l’intersection Trieste/Jura, le parc Christos-Karigiannis, le parc des Coccinelles, le parc Pépin, le parc Montceau et l’Îlot de la rue de Bourges.

Il n’y a pas d’autre choix que d’employer le feu pour combattre le feu. Ici, pour ne pas abattre les arbres, il faut faire l’abattage d’arbres stratégiques pour anéantir les foyers d’infestations. Comme il a 34 pièges sur 66 installés qui ont capturé l’agrile du frêne à Laval, les élagueurs et émondeurs, ainsi que les experts en abattage d’arbres devront faire preuve de solidarité avec la ville. Parmi les moyens de consolidation des services, Laval offre le ramassage gratuit des débris d’abattage. Ainsi, les autorités peuvent obliger un propriétaire à faire couper un arbre s’il est infesté. Celui-ci devra faire affaire avec une compagnie experte en arboriculture, mais, pour empêcher l’invasion de l’agrile du frêne, la municipalité s’occupe gratuitement de la mise en quarantaine du bois infesté.

Pour sauver, dans la mesure du possible, ses frênes, dont la ville compte environ 5000 sur la place publique, Laval opte pour le traitement au TreeAzin, le seul bioinsecticide dont l’efficacité a été prouvée scientifiquement. En 2014, 250 arbres ont été traités, alors qu’on prévoit un rendement de 1000 frênes traités en 2015. Fonctionnant comme un vaccin, le TreeAzin est injecté dans l’arbre et demeure actif pour deux ans.

La lutte biologique contre l’agrile du frêne

Sur le plan écologique, il est important de faire tout ce qui est possible pour sauver le plus grand nombre d’arbre, et ce, tant du côté urbain que forestier. Les frênes occupent souvent des endroits où leur rôle est vital, par exemple autour des zones riveraines. Ils y feront de l’ombre, dépollueront l’eau, réduiront l’érosion du sol et formeront de l’humus par la chute des feuilles. Bien des espèces sont menacées par la perte des frênes.

Une nouvelle solution approuvée par l’ACIA est la lutte biologique en utilisant une guêpe de Chine comme prédateur naturel. Sur le continent asiatique, l’agrile ne constitue pas une menace réelle, car il est intégré dans l’équilibre d’un écosystème. Par la présence de prédateurs, l’agrile est contrôlé de manière entièrement naturelle. Ainsi, les recherches scientifiques ont identifié deux types de guêpes qui pourraient potentiellement freiner la propagation du ravageur émeraude. L’une des deux espèces de guêpe chinoise est de la famille Tetrastichus planipennisi, tandis que l’autre est du type Spathius agrili. La deuxième ne sera pas utilisée au Canada pour deux raisons : 1) elle a été démontrée inefficace en milieu nordique, et 2) elle n’attaque pas uniquement l’agrile du frêne. Donc, seule la Tetrastichus planipennisi sera disséminée au Canada, en raison de son efficacité et du fait qu’elle ne s’attaque spécifiquement qu’à l’agrile du frêne. Cette guêpe introduite dans notre écosystème combattra le ravageur en pondant des œufs dans les larves de l’agrile.

Un autre moyen déployé par les chercheurs est le champignon pathogène. La détection même de l’agrile se fait en les piégeant. Pour la stratégie du champignon pathogène, il suffit de concevoir des pièges qui contiennent l’élément fongique comme tel pour infecter l’agrile. Les recherches ont démontré que l’insecte infectera à son tour ses partenaires.

Pour ce qui est de l’efficacité de cette lutte biologique, seul l’avenir pourra le confirmer. Les chercheurs les plus optimistes espèrent seulement ralentir l’infestation et la propagation de l’agrile du frêne pour nous donner un certain contrôle du problème. Certains estiment que la cause est perdue d’avance. D’autres croient qu’en ralentissant la propagation du frêne, nous pourrons renouveler de manière plus progressive nos arbres ornementaux, par opposition à tous les perdre d’un coup. Pour l’instant, la seule solution qui permet de sauver un arbre pour une période de deux ans est le TreeAzin. Peut-être arriverons-nous à sauver nos frênes si les solutions sont toutes mises à contribution…

Qu’apprenons-nous par l’agrile du frêne?

Un de nos problèmes est la monoculture. Elle est un problème en agriculture, et nous réalisons maintenant qu’elle est un problème aussi en paysagement. Les écosystèmes naturels sont autonomes en vertu de leur diversité : les nombreuses espèces de végétaux s’entraident en échangeant des nutriments à même leur système racinaire, mais l’avantage consiste aussi en une meilleure résistance aux ravageurs. Dans le contexte d’une culture diversifiée, lorsqu’un insecte trouve une plante pour se nourrir, il doit ensuite en chercher parmi la diversité une autre plante de la même espèce. La monoculture est un « all you can eat buffet ». Si nous avions opté pour un paysagement diversifié, l’agrile aurait eu plus de mal à se propager et la perte des arbres aurait été parcimonieuse. Puisque nous avons choisi de décorer des parcs et des rues avec une seule essence, nous voyons des lieux entiers perdre d’un seul coup tous leurs arbres.

Que notre domaine soit l’agriculture, le paysagement ou l’arboriculture, il faut prendre un virage écologique et durable. La différence doit être d’abord faite par l’éducation et la sensibilisation, mais il faut que les professionnels se mettent de la partie pour être de la solution. Il peut être plus compliqué de concevoir des paysage aux arbres diversifiés, mais à regarder l’ampleur du problème de l’agrile, il semble qu’il vaille mieux prévenir que guérir.

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Dominic Perugino

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